Histoire de la chapelle (7), la reconstruction de 1927



Fin 1918, le Chemin des Dames est dans un état inconnu jusque là. Durant quatre ans la terre a été battu. Les débris, les corps, les armes et les résidus chimiques ont été mélangé, malaxé, projeté. La terre est inculte. Une grande partie du Chemin des Dames est déclarée zone rouge. La plupart des pentes resteront dans cet état jusqu'à aujourd'hui.

L'Armistice, la victoire, la paix retrouvée, tairont les blessures qui ne peuvent pas se refermer.

De tous les départements français, c'est l'Aisne qui a été la plus dévasté; à 80%. Durant les deux années qui suivirent, les civils revenus sur place connaissent des conditions de vie épouvantables et insalubres. Puis ce seront les opportunistes et les affairistes qui viendront de toute la France pour réaliser de bonnes affaires avec les Dommages de Guerre sur le dos des victimes.

Le meilleur témoignage de cette époque, le seul d'ailleurs avec "l'Aisne dévastée" de Gabriel Hanotaux, sur le Chemin des Dames, est le livre de Rolland Dorgeles "Le réveil des morts". 

En voici la citation la plus communément reproduite :

 « Combien de fois, s’étant éloigné des coteaux, au delà d’Aizy et de Braye, Jacques ne se crut-il pas transporté dans un continent inconnu ! Quelle apparence de civilisation subsiste sur ces pentes crayeuses ? Pas une route, pas un arbre, pas une cahute.

Cette trace de sentier, qu’on reconnaît quand même à son usure, bouleversé par les entonnoirs, c’est le Chemin des Dames. Cinquante mois on se l’est disputé, on s’y est égorgé, et le monde anxieux attendait de savoir si le petit sentier était enfin franchi. Ce n’était que ça, ce chemin légendaire : on le passe d’une enjambée… si l’on y creusait, de la Malmaison à Craonne, une fosse commune, il le faudrait dix fois plus large pour contenir les morts qu’il a coûtés. Ils sont là trois cent mille, Allemands et Français, leurs bataillons mêlés dans une suprême étreinte qu’on ne dénouera plus, trois cent mille sur qui des mamans inquiètes s’étaient penchés quand ils étaient petits, trois cent mille dont de jeunes mains caressèrent le visage.

Trois cent mille morts, cela fait combien de larmes ?

Ces croix où le nom ne se lit plus, ces baïonnettes enfoncées dans le sol jusqu’à la poignée, ces tumulus de la largeur d’un corps, tout cela, ce sont des tombes. On marche, on piétine dans la mort. La terre est comme pétrie de cadavres.

Sur les versants, de larges trous d’obus se suivent, ainsi que les foulées d’une bête géante. On n’aperçoit que des cavernes éboulées, des ferrailles tordues, d’étrange lianes emmêlée, que la pluie rouille… »

Les terres de La Royère, de la ferme St Martin, la Chapelle Ste Berthe, restèrent longtemps "zone rouges". 
Je raconte dans le chapitre 9 de l'Histoire de la Chapelle quel fut le destin de la famille Leduc.

Ayant perdu toutes traces de leur passé, ils ne reconstruisirent pas ce qui avait disparu.
Seule, la Chapelle Ste Berthe.

Camille Leduc et son épouse Zénaïde Binet (une tante du Cardinal Binet) avaient été inhumé à la Chapelle Ste Berthe.
Que restait-il de leur corps après les déluges d'obus ?

Leur fils, Paul Leduc, mourrut en 1925 après six ans de tracasseries administratives pour obtenir les Dommages de Guerre...

Il commanda que la Chapelle soit reconstruite.

Pourquoi ?
C'est une question qui envahie lorsqu'on prend conscience du champ de bataille, du champ de ruines ou la ferme St Martin fut engloutie.
Rien n'a été transmis à ce sujet, sinon la Chapelle-même.


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plan de la Chapelle Ste Berthe, dressé pour le dossier des Dommages de Guerre


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Inauguration et bénédiction de la Chapelle en 1927, reconstruite sous l'égide de Honorine Follet veuve Paul Leduc
(collection Désiré LEON)



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